Le collège, une communauté de travail et de vie

Posted on 17 janvier 2017

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A mes ancien-ne-s collègues et ancien-ne-s élèves

Retraité depuis juin 2016, je souhaite émettre quelques réflexions sur le travail d’enseignant que j’ai exercé pendant plus de 35 ans. Que ces quelques lignes soient aussi un téloignage de reconnaissance à l’égard de tous ceux avec qui j’ai vécu de belles années à faire un beau métier !

Je pense que la profession d’enseignant est une magnifique profession, et c’est assurément celle pour laquelle j’étais fait. C’est une profession vouée à transmettre aux nouvelles générations les acquis intellectuels, moraux et spirituels de la société. Si l’accent est mis sur les connaissances, il est évident qu’elles sont portées par des valeurs. Dans la discipline que j’ai principalement enseignée, la philosophie, l’apprentissage de l’esprit critique joue un rôle particulier: outre les idées des grands philosophes qu’il faut présenter et expliquer, il s’agit aussi de montrer la pluralité des conceptions et de faire de ces différentes conceptions des outils pour interroger le monde, l’observer personnellement de façons nouvelles et chercher à l’améliorer. La profession d’enseignant implique un échange vivant avec les élèves, où les efforts que les maîtres tentent pour rendre leur matière intéressante rencontrent un certain nombre de fois des réactions positives d’élèves qui les aident à perfectionner leurs méthodes pédagogiques et stimulent leur propre réflexion. J’ai la plupart du temps donné mes cours avec beaucoup de motivation et de plaisir. J’espère que mes élèves ont aussi quelquefois été motivés par ce que je leur disais tout en éprouvant un certain plaisir à connaître de nouvelles idées et à s’en servir pour mieux comprendre le monde et mieux agir sur lui.

Ce qu’il y a de remarquable dans cette profession d’enseignant est qu’elle se pratique au sein d’une communauté dans laquelle tous travaillent pour le même but: transmettre les connaissances et les valeurs le mieux possible pour que les élèves puissent en profiter au maximum. J’ai eu la chance de fonctionner dans un collège où régne une très bonne atmosphère. On y forme une société d’égaux collaborant aux mêmes objectifs sans excessif souci de nos propres individualités. C’est qu’on n’y est généralement pas perturbé par l’appât du gain, le souci de faire carrière ou la recherche de la célébrité: nos fonctions sont égales, chacun étant appelé à bien accomplir la même tâche, nos salaires sont égaux et nous allons tous au même pas, les améliorations pour les uns signifiant les améliorations pour les autres et les péjorations pour les uns signifiant les péjorations pour les autres. Nous sommes protégés de la mise en concurrence libérale de l’odieux salaire au mérite, qui dresse les employés les uns contre les autres. Les libéraux diraient certainement qu’une telle vision manque de dynamisme et empêche l’innovation, mais si elle était plus répandue, il n’est pas douteux que le monde, avec moins de milliardaires, moins de spéculateurs, moins de promoteurs insatiables, serait plus calme, plus juste et plus heureux, et l’on aurait peu de raisons de s’en plaindre.

Cette communauté de travail avait d’ailleurs aussi les qualités d’une communauté humaine. Pendant des années, j’ai eu chaque jour l’occasion d’échanger agréablement avec des collègues, sur le travail bien sûr, mais aussi à propos de soucis personnels, de centres d’intérêts, de voyages, de faits d’actualité, de problèmes politiques. J’ai toujours trouvé de l’aide quand je me débattais avec mon inaptitude face aux outils technologiques. Je ne suis jamais resté longtemps isolé, triste ou inquiet, parce qu’un petit mot bien senti, discrètement glissé, ou une plaisanterie, sont venus me changer les idées et m’encourager. J’ai aussi trouvé de nombreux moments de convivialité, apéritifs, soupers, brisolées où l’on savait faire la fête, et j’ai rarement manqué de compagnes et de compagnons pour de plaisantes fins de soirée, que le whisky écossais ait été ou non au programme.

Le lieu de mon travail fut aussi pour moi un lieu de vie. Le collège est une magnifique institution, et je souhaite de tout coeur que l’esprit et les usages qui le caractérisent se maintiennent. Aujourd’hui nos adversaires libéraux n’ont de cesse de critiquer les communautés égalitaires et solidaires: ils veulent tout transformer en entreprises capitalistes où règnent la pression du résultat immédiatement rentable et le chacun pour soi. Depuis ma position enviable de retraité, je vois avec peine les attaques dont la communauté des enseignants (comme celles des autres fonctionnaires) est presque constamment l’objet, dans la presse comme dans les assemblées élues, qui distillent démagogiquement l’envie à l’égard de gens dont on voit ce qu’ils ne font pas au lieu de voir ce qu’ils font, pour mieux ménager ceux qui accumulent des millions. Alors ce que je souhaite c’est que toutes et tous mes anciens collègues aient la motivation et la force de se battre pour défendre l’instruction publique au service de la jeunesse du pays et les conditions de travail qui permettent de la dispenser. Et que le succès soit au rendez-vous dans les luttes qu’ils devront sans doute mener.

Le Lycée-Collège de la Planta à Sion

Le Lycée-Collège de la Planta à Sion


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