Le travail aujourd’hui: une denrée pour faire des profits

Posted on 5 août 2012

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Dans un ouvrage composé d’un certain nombre d’articles, publié sous la direction de Patrick Cingolani et intitulé Un travail sans limites ? (éd. érès, 2012, coll. Clinique du travail), nous est proposé un excellent état des lieux des changements actuels dans le monde du travail. Bien que les enquêtes aient été effectuées en France, les situations décrites conviennent aux autres pays du Nord.

Le contexte général d’une remise en question de la séparation entre le travail et la vie privée et d’une flexibilité de plus en plus grande est présenté: « Dans les entreprises de l’industrie comme dans celles du tertiaire, le modèle traditionnel d’horaire régulier, calé sur la semaine et à temps plein, a laissé la place à une gestion temporelle de l’activité plus souple et plus éclatée. Au temps de travail taylorien, borné et étroitement planifié succède un temps perméable aux aléas de la demande sociale et de plus en plus différencié selon les salariés » (M. Lallement). Puis diverses figures des travailleurs-travailleuses actuel-le-s illustrent cette situation: travailleurs de l’informatique oeuvrant avec une impression d’autonomie qui paraît les éloigner de la discipline du salariat, tâcherons effectuant  en s’épuisant des travaux extrêmement pénibles contre des rémunérations plus importantes, travailleurs-ses précaires, instables, à durée déterminée (comme on en engage aujourd’hui dans les entreprises publiques pour engager moins de fonctionnaires), travailleurs intérimaires, travailleurs immigrés surexploités appelés à accomplir en silence le sale travail et renouant parfois avec l’économie informelle, bénévoles appelés à faire une partie du travail dans le service public.

Si à certains égards les nouvelles formes de travail sont parfois vécues comme libératrices, certain-e-s pouvant apprécier le fait de changer d’emploi, de mieux pouvoir aménager le partage entre temps de travail et temps hors travail ou d’être moins lié au travail pour donner un sens à sa vie, le constat qui s’impose est l’aliénation qui domine la plupart du temps. Le nouveau monde du travail apparaît comme la nouvelle manière pour le capitalisme néolibéral d’utiliser la force de travail pour accroître ses rendements. Patrick Cingolani écrit: « La captation du temps privé, sa subordination implicite au-delà du temps donc légalement subordonné, devient ainsi un enjeu important dans les conditions de fructification du capitalisme ». Il cite une interview du président de Manpower qui disait au début des années 1990: « Les Etats-Unis sont en train de passer du juste-à-temps de l’industrie au juste-à-temps de l’emploi. L’employeur nous dit « je les veux livrés exactement quand je le veux, autant que j’en ai besoin,… ». On trouve ce passage dans la conclusion: « Les dispositifs précaires et intérimaires mis en place par les entreprises de travail temporaire et par certains employeurs d’entreprises sous-traitantes s’expliquent par ce besoin de mobiliser en un temps donné, ponctuel, le salarié. Il faut donc que le temps privé soit en quelque manière contraint par le temps productif et il s’agit par tous les moyens possibles de le rendre disponible. Plus le salarié est précaire et plus il attend le travail, et plus son temps libre est à la merci de l’exigence productive ». Et ce système a de plus du point de vue capitaliste le grand avantage d’isoler les salarié-e-s , d’empêcher leur organisation et de répandre l’idéologie du chacun pour soi qui semble inévitable !

L’ouvrage, sociologique, prend assez peu parti. Mais les faits qu’il cite montrent combien le travail est encore important pour beaucoup dans la construction de leur vie et l’obtention de l’estime de soi et des autres. On y constate aussi combien la soumission intégrale du travail à une logique marchande (capitaliste) est fausse et inhumaine. Et l’on réalise que le travail ne peut être libérateur que s’il est sous le contrôle de ceux-celles qui travaillent. Le livre donne de nombreux arguments pour mettre ou remettre en place une législation du travail exigeante, plaçant l’épanouissement humain comme fondement des pratiques de travail. Il appelle aussi à recréer des solidarités dans des collectifs syndicaux seuls capables d’imposer de nouveau des évolutions favorables à tous (comme le fut la réduction du temps quotidien de travail).

Décidément le travail est trop important pour être une marchandise, comme le pensent tous ces Messieurs, de Merck Serono à PSA, qui dégraissent à tour de bras, quand ça ne rapporte plus assez !

Salarié-e-s pris-es au piège

1000couleurs.centres-sociaux-paris.org

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