Il nous faut deux socialistes au Conseil d’Etat

Posted on 6 mars 2017

0


Dimanche soir, j’étais assez fier d’être Valaisan. Ce que je craignais beaucoup ne s’est pas produit, et est loin de s’être produit. Je dois dire que j’étais pessimiste: ces dernières années, chaque fois qu’une proposition de durcissement à droite avait été faite, une bonne part de mes compatriotes avait suivi. Comme on était passé d’un PDC déjà conservateur à la naissance d’une UDC rapidement forte, j’avais bien peur qu’on passe d’une UDC forte à un gouvernement à majorité ultraconservatrice.
Eh bien le pire n’est pas arrivé. Les Valaisans, cette fois-ci, d’une manière remarquablement claire, n’ont pas marché dans le « toujours plus à droite ». Bravo ! Il faut dire qu’Oskar Freysinger avait pour le coup vraiment dépassé les bornes. Enhardi par ce qui est arrivé aux Etats-Unis et par ce qui pourrait arriver en France, avec son habituelle confiance en soi, O. F. s’est pris pour le Trump du Valais. Il a déclaré la guerre au PDC comme à la gauche. Mais, et il l’a reconnu avec aplomb, il s’est trompé de stratégie.

En recrutant un PDC pour sa liste ultraconservatrice, il a provoqué le resserrrement des rangs du plus grand parti valaisan qui a fait un carton avec ses trois candidats. En attaquant le siège de la gauche, il a provoqué un sursaut qui a évité une issue fratricide, qui a valu un excellent résultat à Stéphane Rossini dans le Valais romand, et permet au PS d’occuper la quatrième et cinquième places du classement. Ejectés du gouvernement au premier tour, O.F. et ses colistier-ère-s n’ont guère obtenu de voix en dehors de leurs fidèles de l’UDC.

Il ne faut certes pas s’illusionner: si le vote de gauche représente les couches progressistes du pays qui prennent un peu de couleur, le vote PDC est surtout conservateur, mais d’un conservatisme traditionnel et dans l’ensemble modéré. En tout cas, si O. F. a perdu nombre d’électeurs de toutes sensibilités hors de l’ UDC, c’est assurément qu’il a déçu et lassé. La personnalisation et la théâtralisation à outrance de sa fonction, son obstination sous prétexte d’indépendance de pensée à fréquenter et à célébrer les droites dures et même les pires extrêmes droites européennes, la gestion peu efficace durant quatre ans du département de la formation, ont fini par détourner de lui beaucoup de ceux qui l’avaient soutenu en 2013 parce qu’il était sympathique, atypique et semblait capable de faire bouger les choses.

Maintenant s’annonce le deuxième tour. Le PDC peut sans souci compter sur la confirmation de ses trois candidats arrivés largement en tête. La gauche a les moyens de se battre pour occuper les deux sièges restants. Mais elle peut aussi opter prudemment pour une seule place. En effet pour barrer la route à la gauche, la droite peut faire bloc. Ensemble à droite va certainement se concentrer sur la défense d’O. F. qui sera son unique candidat; si en théorie ceux qui l’ont sanctionné au premier tour devraient s’abstenir de l’aider au deuxième, on ne peut être sûr que face à un « risque » de renforcement de la gauche, certains ne veuillent pas un retour au statu quo. Et si l’on veut exclure l’UDC, le risque existe qu’une alliance se conclue à droite pour soutenir un PLR. C’est la droite modérée qui va jouer les arbitres entre une formule 3 PDC-2 PS (qui n’a certainement pas sa préférence !), la formule en vigueur 3 PDC-1 UDC-1 PS (ce qui serait dans la logique consensuelle propre à la Suisse et a sans doute la préférence du Haut-Valais), et une formule de droite 3 PDC-1 UDC-1 PLR. Même si je suis un piètre stratège, j’ai l’impression que la gauche pourrait maintenir ses deux candidat-e-s: si la droite n’en veut qu’un elle saura écarter le deuxième, et si la droite veut chasser la gauche du pouvoir, ce n’est sans doute pas la liste à deux qui va changer quelque chose à son objectif. Mais on peut être optimiste: si le Haut-Valais continue de soutenir Esther Waeber-Kalbermatten, son score ne devrait pas diminuer, et une mobilisation encore plus grande dans le Bas-Valais avec l’appui des Verts, devrait renforcer Stéphane Rossini.

Au moment où la gauche a gagné des sièges au Grand Conseil (même si pour mon compte, j’aurais préféré un renforcement du PS), il vaudrait la peine d’appuyer une présence accrue de la gauche au gouvernement: si 1 sur 5, c’est souvent inefficace surtout si la personne élue se veut discrète et consensuelle, en revanche, 2 sur 5, ce peut être plus intéressant, surtout si l’un des élus est plus profilé et réussit à entraîner l’autre à davantage de fermeté. J’espère donc que l’Alliance de Gauche présentera deux candidats. Si c’est le cas, il faudra que tous les progressistes s’engagent à fond pour assurer le succès de cette liste. La majorité resterait à la droite modérée du PDC, la gauche serait renforcée, la droite ultraconservatrice et xénophobe serait exclue du gouvernement, la droite néolibérale du PLR ne pourrait y revenir: une configuration acceptable pour l’intérêt général, pour les salariés et les services publics de ce canton. Il y aurait alors un gouvernement de centre-gauche: que tout le monde se rassure, ce ne serait pas, après la révolution d’Octobre 1917 en Russie, la révolution de Mars 2017 en Valais ! D’ailleurs le Grand Conseil, bien à droite, saurait veiller au grain. Mais ce serait quand même un atout pour que les intérêts des bas et moyens revenus (soit de la majorité) du canton soient un peu mieux représentés.

Le Valais ce n’est pas encore l’Amérique !

https://en.wikipedia.org/wiki/Trump_International_Hotel_and_Tower_(Chicago)

Posted in: Articles